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Médiation thérapeutique corporelle au service su soin psychique

PROLONGEMENT THÉORIQUE

Une médiation thérapeutique est un moyen (outil, technique, support, médium etc.) qui à la fois soutient la relation singulière entre un patient et un thérapeute et en constitue un des modes d’échanges et de communication intersubjective consciente et inconsciente.

Cette médiation s’inscrit dans l’aire transitionnelle d’expérience telle que la définit Winnicott et qui, pour un sujet donné se situe entre son vécu interne et la réalité extérieure. Il s’agit de cet espace paradoxal qui se trouve être « ni tout à fait dedans ni tout à fait dehors ». Winnicott parle d’une « troisième aire » pour désigner son concept d’espace potentiel. Or, toute médiation thérapeutique s’inscrira dans cette «troisième aire» entre patient et thérapeute.

Et la médiation elle-même, de par sa consistance sera un troisième terme déterminant dans la dynamique thérapeutique. Elle fera fonction de tiers entre thérapeute et patient que tout à la fois elle relie et sépare.

Une médiation thérapeutique corporelle implique le corps du patient, et dans une certaine mesure celui du thérapeute, au cœur de cet espace transitionnel, activant ainsi le processus thérapeutique.

 

Qu’il s’agisse de propositions dans lesquelles le corps est en mouvement, en activité, ou en détente – c'est-à-dire que les médiations soient des modes d’expression ou des supports d’intériorisation – la dimension imaginaire s’en trouvera toujours stimulée ouvrant ainsi un champ plus vaste à l’intérieur de l’espace psychique et une vision plus large du contexte extérieur environnant.

L’expérience subjective éprouvée au sein de la relation thérapeutique étendra ses effets dans la vie du patient en vivifiant les images de son monde interne et en enrichissant ses possibilités d’accès aux phénomènes transitionnels (intérêt pour le monde : la culture, la nature ; expérimentations diverses : sportives, artistiques, intellectuelles, cognitives et  par conséquent remobilisation des capacités d’apprentissage ; expériences spirituelles etc.).

 

La médiation thérapeutique corporelle, par la substance des techniques proposées revitalise toujours les contenus échangés au sein de la relation thérapeutique et sert de contenant à ces échanges.

Par là même elle permet de fortifier les capacités de contenance psychique, émotionnelle et relationnelle du patient. Car dans ces situations partagées, le thérapeute, engagé dans sa propre dynamique psychique et physique, ouvre sa psyché pour accueillir les éléments encore inélaborables par le patient, afin de permettre peu à peu à la psyché de celui-ci de représenter, transformer et assimiler résidus pulsionnels, affects insoutenables, sensations insupportables, angoisses archaïques destructrices qui ne manqueront pas d’apparaître dans les séances. Tout autant d’ailleurs que certains souvenirs agréables, enfouis et retrouvés, ou sensations nouvelles de plaisir générant troubles et panique.

En effet, l’inconscient irriguant toute trace corporelle, une pratique thérapeutique dans laquelle le corps est sollicité verra toujours surgir toutes sortes d’empreintes inconscientes à partir desquelles il sera fructueux de travailler.

 

Lorsque la médiation thérapeutique corporelle se partage au sein d’un groupe, c’est le groupe tout entier qui fonctionne comme tiers, support d’identifications (souvent identifications croisées entre membres du groupe) et  contenant pour ces « formes-images » en cours de représentations, ces angoisses, ces affects pénibles ou joyeux, ces sensations physiques douloureuses ou délicieuses.

Une étape de ce travail est avant tout de permettre au patient d’accéder à  une meilleure capacité de symbolisation de ses sensations, pulsions, émotions et angoisses.

Une autre part précieuse de ces techniques de médiation thérapeutique corporelle réside dans le recueil des diverses représentations des images du corps. Une sorte d’état des lieux des images du corps est mis au jour, lesquelles sont sans cesse remaniées au fil du processus élaboratif thérapeutique.

Le tonus, qui se trouve lui aussi à la croisée du physique et du psychique est toujours subtilement modifié  selon les moments de la séance, et par conséquent en profonde mutation tout au long de la thérapie. Les diverses qualités des états toniques du patient sont un miroir de ses états affectifs et émotionnels mais rendent également possible une évolution de ceux-ci. Faire jouer la variabilité des états toniques permet donc une action synergique entre corps et psyché.

Les modifications des images du corps et des états toniques au fur et à mesure du traitement, accompagnent les moments de régression et de progression du patient. Et elles éclairent et stimulent la dynamique d’intégration, de structuration et de croissance affective, relationnelle et psychique en devenir.

 

Lorsque ces médiations corporelles sont utilisées au service du soin psychique, le projet thérapeutique est bien un projet psychothérapeutique, à savoir : aider le patient à quitter des positions régressives entravantes pour relancer un mouvement maturatif plus adéquat avec son âge, son sexe, sa situation, son désir.

 

La cure analytique classique dénoue des conflits inconscients, lève des mécanismes de refoulement, repasse par les failles narcissiques précoces, réélabore pertes, deuils et traumas en utilisant seulement la parole. Dans le cas des pratiques thérapeutiques à médiation corporelle, le projet est le même. Mais il s’agit dans ce cas d’être attentifs aux états des images du corps dans leur dimension consciente et inconsciente, de prendre en compte les impasses dans lesquelles celles-ci sont retenues et de les faire évoluer vers des issues plus vivantes.

En psychanalyse comme dans ces cures à médiations corporelles l’observation et l’écoute des fantasmes conscients et inconscients est le moteur principal du traitement.

Mais dans les cures à médiations, l’activité corporelle proposée est en elle-même facteur d’intégration. Par l’expérience de cette activité le patient se trouve gratifié : le réinvestissement de ses perceptions et de ses sensations proprioceptives et kinesthésiques, ainsi que sa liberté gestuelle découverte ou retrouvée, renforce toujours son narcissisme et revitalise ses circulations libidinales. « Jouer en soi est une thérapie » dit Winnicott.

 

Ces médiations corporelles se trouvent ainsi particulièrement bienvenues dans le traitement des patients « états limites » ou aux prises avec une souffrance psychotique désintégrante, dont les images du corps sont éclatées sous les assauts d’une pulsionnalité débridée et d’un narcissisme destructeur, ou chez qui l’intégration psychocorporelle est insuffisante.

Les parties clivées de la personnalité vont au fil de la thérapie être réintégrées via le « moi-corps » et les expériences sensorielles et émotionnelles, à l’ensemble de la vie psychique du patient. Les notions d’enveloppe (« moi-peau », enveloppes olfactives, sonores, etc.) seront là particulièrement sollicitées.

Le travail avec ces patients souffrant de pathologies narcissiques et psychotiques s’effectue nécessairement avec, associée à ces propositions  corporelles, une sollicitation à la prise de parole qui décrit, met des mots sur les expériences vécues, nomme les sensations, émotions, angoisses éprouvées au fil de la séance.

Ce n’est que dans ces conditions, par ces « greffes de symbolisation », que les angoisses mortifères seront quelque peu tenues à distance, contenues et allégées de leurs effets dévastateurs, et que les processus de subjectivation seront mis en œuvre.

La mise en mots par le patient, tissée à la parole du thérapeute qui rassemble, réunifie et donne du sens à ce qui est alors exprimé, étoffe les capacités introjectives du patient et participe à la diminution de ses explosions projectives destructrices.

Tout ceci l’aide à s’exprimer en son nom propre à partir de son vécu subjectif singulier (« je »), à mobiliser sa pensée, et à fortifier son potentiel de création personnelle.

 

Bien sûr, il est nécessaire de rappeler que le bon déroulement d’une thérapie ne peut avoir lieu sans ce préalable indispensable qu’ est la mise en place d’un cadre fiable et stable, offert par le thérapeute et proposé contractuellement au patient. Et que tout ce qui interfère sur ce cadre (changements proposés par le thérapeute ou par l’institution soignante, attaques ou jeux sur celui-ci de la part du patient) est à considérer comme appartenant au processus lui-même avec les intérêts et les inconvénients que cela comporte.

Enfin, comme dans toute autre psychothérapie, se déploient bien évidemment dans les thérapies à médiations, les phénomènes transférentiels qui, dans ce cas n’affectent pas seulement la personne du thérapeute, mais également la médiation elle-même, ainsi que le groupe si celle-ci s’effectue en groupe (par exemple transfert sur la méthode de relaxation et transfert sur le groupe de relaxation).
Ce qui à la fois complexifie, diversifie et disperse les projections transférentielles. D’ où l’intérêt parfois dans un groupe thérapeutique à médiations, d’une animation par un couple de soignants, ce qui en plus de favoriser les effets de contenance et de transfert sur un couple parental, permet pour les thérapeutes de mieux décrypter quelques uns de ces phénomènes de transferts multiples en leur rendant toute leur richesse et leur fécondité.

La co-animation d’un groupe thérapeutique facilite évidemment, dans l’après-coup des séances, des échanges ou un partage à propos des émois contre-transférentiels. Ces pratiques thérapeutiques à médiation corporelle dans lesquelles la personne du thérapeute est engagée, sollicitant activement les mécanismes de contre-transfert du thérapeute.

L’attention portée par celui-ci à ses propres mouvements contre-transférentiels (sensations physiques, émotions, fantasmes, pensées) garantit la qualité de sa démarche et le maintien de son équilibre psychique et physique personnel.

Cette écoute attentive permet le recueil d’indices précieux concernant les projections provenant de la psyché du patient y compris  celles qui expriment directement les effets de transfert. Par son observation contre-transférentielle, le thérapeute interviendra au sein de l’aire transitionnelle par des propositions novatrices mobilisant ainsi l’ensemble du processus. C’est à cet endroit précis que l’insight, le doigté et la créativité du thérapeute sont amenées à s’exprimer.