accueil / parcours professionnel / coordonnées / textes

Réflexion clinique

Réfléchir avec un Autre ou des autres sur sa pratique thérapeutique, permet de consolider ses propres capacités de dialogue intérieur, de rêverie et de contenance, indispensables pour l’accompagnement des patients pour lesquels, s’engager par une présence pleine et vivante est fondamental, et prendre un recul suffisant l’est tout autant.

La personne ou le groupe avec lequel on échange, devient progressivement un Autre intérieur à qui l’on adresse les questionnements, les inquiétudes ou les joies qui émaillent obstacles et trouvailles sur les chemins thérapeutiques.

Les rencontres régulières avec le groupe ou l’interlocuteur extérieur ne sont que des scansions, des « arrêts sur image » pour relancer et enrichir un processus qui, avant tout est personnel et se déroule dans une continuité de pensée intérieure.

C’est pourquoi je préfère les termes «altervisions» et «intervisions»  pour désigner le travail que je propose même si je conserve pour facilité de langage celui de supervisions, communément partagé dans la communauté professionnelle.

L’invitation est faite au praticien dans ces séances de travail, d’engager sa subjectivité en exprimant ses doutes, ses incompréhensions tout autant que ses sentiments ou ses réflexions. Le but étant que cette implication personnelle rencontre une altérité de pensée, d’écoute, de point de vue, qui se vive dans le respect, la confiance et renforce l'estime de soi professionnelle.

Ma participation dans ces séances est active ; elle a une fonction d’étayage et de transmission : je propose divers éclairages, de nouvelles perspectives et éventuellement des repères théoriques, mais mon souci premier est de permettre à chaque thérapeute de construire, préserver ou consolider son style propre, garantie d’authenticité dans l’exercice de son métier.

Le psychomotricien est souvent seul dans une équipe pluridisciplinaire ou peut se sentir replié sur ses habitudes ou dans son cabinet libéral. Ces séances lui offrent la possibilité de partager son expérience, de créer des ouvertures dans sa pratique et de progresser dans ses capacités d’élaborations théorico-cliniques, supports pour un fonctionnement thérapeutique plus solide.

L’offre de travail dans ces séances est de partir de la présentation de cas cliniques d’enfants, d’adolescents ou d’adultes reçus en institution ou en cabinet indépendant.

Il n'y a pas de règles précises pour ces présentations de cas. Seule la personne qui s'exprime décide de la forme qu'elle souhaite donner à sa présentation.

Il s'agit de partir de sa pratique pour formuler ses interrogations. Chacun vient à ces séances pour avancer, non pour être jugé ou conforme à un modèle donné. Il peut arriver d'être bouleversé au cours ou à la suite d'une séance par certaines prises de conscience. Mais les remises en question sont toujours fécondes pour le franchissement d'obstacles sur ces rudes sentiers professionnels.

Certains thèmes peuvent revenir de façon récurrente, notamment dans les séances de groupe, mais seront toujours revisités de manière nouvelle, et recontextualisés.

La prise en compte des parents des enfants reçus en thérapie psychomotrice est prépondérante, et souvent source de questionnements pour le psychomotricien, surtout lorsqu’il exerce en libéral et qu’il ne dispose pas du tiers institutionnel pour délimiter les espaces de chacun. Ces séances peuvent être l’occasion de confronter son propre positionnement avec celui d’autres collègues ou de défricher de nouveaux territoires d’expérience, avec l’aide d’un professionnel qui le soutient dans ses initiatives.

Nombre de situations rencontrées sont délicates, et ne se résolvent pas avec une réponse toute faite. C’est au contraire d’un art du « sur mesure » dont il est question dans ces thérapies à médiation corporelle. Pour ce faire, seule l’écoute sensible de ce qui circule émotionnellement dans les séances puis l’écoute distanciée et le décryptage des phénomènes transféro-contre transférentiels permettent de s’affranchir de certains modèles et autorisent  une prise de risque pondérée et créative.

Au sein de ces séances d’altervisions et d’intervisions se déploient une aire transitionnelle de jeu, féconde pour le suivi des situations présentées, et essentiellement  nourrie des sensibilités et de la pensée de chacun. Dans les thérapies à médiations corporelles, la manière dont thérapeute et patient sont touchés par ce qui se vit et se déroule dans le processus, est le moteur du traitement. Dans ces séances d’altervisions, être touché, subtilement affecté par ce qui s’y échange, est le meilleur moyen pour qu’une réflexion authentique soit activée.

La perméabilité nécessaire aux échanges dans l’espace potentiel entre thérapeute et patient se retrouve dans ces séances d’altervisions. Les défenses contre l’angoisse s’en trouvent alors assouplies.

De même que l’espace transitionnel entre thérapeute et patient est le lieu de décollement des positionnements régressifs fusionnels et d'émergence des processus d’individuation et de subjectivation, l’aire transitionnelle dans ces séances d’altervisions est le lieu de mise à distance d’avec les affects dérangeants vécus avec les patients. Les thérapies pourront alors être conduites de manière plus assurée.

Ainsi, une orientation ou une direction plus adéquate peut être découverte au fil des séances d’altervisions à partir de l’axe organisateur qu’est la relation thérapeute-patient dans laquelle s’exprime les émois transférentiels et contre-transférentiels. Ou à partir de la pathologie spécifique du patient présenté. Un approfondissement des données psychopathologiques s’avèrant parfois nécessaire.

Ces séances peuvent également participer à contenir un certain nombre d’éléments contradictoires ou paradoxaux qui se présentent parfois dans les traitements, notamment en institution, et avec lesquels le thérapeute est amené à faire face s’il veut maintenir son intégrité professionnelle et son espace de soin.

Ainsi la mise en place de groupes thérapeutiques en institution peut parfois nécessiter un suivi extérieur (écoute tierce) qui donne des indications précieuses pour éviter de tomber dans des failles trop béantes, et aide à se dégager de certaines impasses. Ce suivi soutient la mise en place du cadre du groupe et son maintien, garant d’un déroulement possible du processus  et accompagne une régulation de ce processus au fil du temps. Les éléments propres à la dynamique de groupe sont alors considérés dans leur spécificité.

Les possibilités de travail dans ces séances d’altervisions sont plurielles comme sont plurielles les pratiques psychomotrices ou les thérapies à médiation corporelle. Et comme sont innombrables les questions qui s’imposent aux praticiens qui savent rester vivants et dont l’enthousiasme n’a de cesse de créer et d’inventer de nouvelles aires de jeu et de nouvelles « manières d’être » thérapeutiques.

Mes recherches personnelles irriguent ces séances et croisent les recherches déjà structurées ou encore en friche des différents participants. La pensée de chaque thérapeute, faite d’observations et d’expériences, a besoin de mots, d’images, de formes, d’écoute et de temps pour être articulée et symbolisée.